My Lady

J’aurais aimé trouver un titre plus évocateur pour vous présenter ce film mais rien ne me venait pour résumer en un seul titre tout ce que m’a inspiré cette histoire.

Je suis sortie de la salle de cinéma bouleversée, parce que l’histoire est touchante certes, mais parce que le sujet est grave. Peut-être est-ce aussi parce que je me suis sentie concernée car j’ai travaillé moi même dans le domaine de la Protection de l’Enfance. Il me semblait incontournable de vous faire partager mes interrogations et mes émotions, je vais essayer de le faire le plus fidèlement possible.

L’histoire:

Faut-il obliger un adolescent à recevoir la transfusion qui pourrait le sauver ? Fiona Maye, Juge de la Haute Cour, décide de lui rendre visite, avant de trancher. Leur rencontre bouleversera le cours des choses.

Quand on connaît le milieu de la Justice des Mineurs, on sait que nul n’est besoin d’une visite à l’hôpital pour prendre une décision qui coule de source,  alors pourquoi Fiona Maye se déplace t-elle? Il est bien montré dans ce film le raz-de-marée émotionnel que cette visite à l’hôpital déclenche non seulement sur l’adolescent mais sur la juge également, sans qu’elle y prenne garde.

Un adolescent, même s’il approche de très près sa majorité, reste un enfant et de ce fait il doit être protégé. En Angleterre, le système de justice est pratiquement similaire à celui de la France. « La loi de 1989 relative à l’enfance donne d’importants pouvoirs au juge dans les cas où la protection de l’enfant ne peut être assurée dans le cadre administratif. » C’est le cas dans le film puisque le service hospitalier ne peut intervenir sur ce mineur pour tenter de lui sauver la vie compte tenu de la croyance religieuse de l’enfant, croyance qui lui a été inculquée par ses parents qui sont témoins de Jéhovah. C’est donc à la Justice de trancher.

En allant voir ce film j’ai appris un certain nombre de choses surles témoins de Jéhovah, j’ignorais que la transfusion sanguine était absolument inenvisageable, même dans des cas graves, car selon leur croyance, le sang transporte l’âme. Je ne juge pas, mais il me semble clair qu’un adolescent, même bercé par une éducation religieuse, doit garder son libre-arbitre et être éclairé sur sa situation surtout quand il s’agit de vie et de mort, c’est la question cruciale du film.

Adam, notre jeune leucémique, pour accéder au paradis n’a que peu d’options. La transfusion est un pêché donc si il accepte d’être transfusé il sera vivant certes mais banni et exclu!

Comment aller contre sa foi et ses convictions quand il s’agit de vie ou de mort? J’ai beaucoup de respect face aux personnes croyantes, mais je sais aussi, que tout au long de notre vie, nous évoluons au rythme des épreuves que nous traversons.

Cet adolescent a t-il toutes les cartes en mains ce jour là pour savoir quel choix il doit faire? N’a-t-il pas besoin d’être guidé?

Je ne suis pas croyante mais je sais que la souffrance, la solitude, le chagrin m’ont conduite progressivement vers la pratique du yoga et  de la méditation, de la spiritualité et du boudhisme « mahayana » que je ne pratique pas vraiment, mais dont je me sens très proche. Je dirais que ma « foi » est surtout fondée sur la bienveillance envers autrui et la non-violence en tout cas je m’y applique.

Ce film aborde comme je vous le disais plusieurs sujets, le problème de l’éducation religieuse, celui de la Protection de l’Enfance (un magistrat peut-il se substituer à la volonté d’un parent ou d’un adolescent et dans quel cas peut-il le faire). Sont abordés aussi en filigrane la complexité du métier de Juge de la Famille, de l’implication professionnelle tellement prégnante qu’elle vient gommer toute vie personnelle, comment garder son couple vivant quand on essaie toute la journée de réparer des familles, des couples, des enfants….

La question aussi du « transfert » est abordée de manière importante l’intervention de la magistrate au chevet de cet enfant nous le montre bien, la vie de cet enfant s’en trouve bouleversée, quelques paroles échangées, un rayon de lumière ou de connaissance sur un enfant peut avoir un impact énorme…

Je le sais car j’ai été éducatrice et je sais combien il est difficile de garder une distance raisonnable entre soi,  l’enfant et la famille qu’on prend en charge. Il faut savoir protéger mais aussi se protéger des émotions. Il faut savoir en rentrant à la maison se délester des préoccupations professionnelles comme on le ferait de son manteau….c’est difficile.

Tout métier lié au social est une vocation, un sacerdoce en tout état de cause cela l’a été pour moi.

Je ne veux pas vous dévoiler davantage de détails sur le film mais je vous invite à aller le voir, il est vrai que c’est une véritable démarche car il ne passe pas dans tous les cinémas. Emma Thompson y est sublime de vérité et c’est une actrice extrêmement talentueuse qui peut jouer sur tous les registres.

Allez voir ce film et dites moi votre sentiment? Je serais ravie de savoir comment a été accueilli ce film par vous tous.

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Juste la fin du monde

Comme je vous l’avais annoncé voici mon article sur le dernier film de Xavier Dolan dont l’immense génie n’est plus à clamer après sa performance dans Mommy .
Ce film m’a, « traversée » comme si cette histoire je la connaissais déjà.

Comme si un souvenir refaisait surface… Je pense que toutes les personnes ayant un vécu familial douloureux ou particulier se reconnaîtront dans cette histoire.

J’avais besoin d’exprimer tout mon ressenti par rapport à cette histoire, qui pourrait d’ailleurs être, mon histoire, ou peut-être la vôtre….

Le synopsis:

Après douze ans d’absence, un écrivain , de 34 ans retourne dans son village natal pour annoncer à sa famille sa mort prochaine.
Ceux sont des retrouvailles avec le cercle familial où l’on se dit l’amour que l’on se porte à travers les éternelles querelles, et où l’on dit, malgré nous, les rancoeurs qui parlent au nom du doute et de la solitude.
On retrouve dans ce film, même si effectivement, certains, ne mettent pas ce long métrage, au même niveau que Mommy, réalisé en 2014, et qui a été révélé comme un chef d’oeuvre, la même violence.
Une violence plus « sournoise », personnellement elle m’a projetée dans ma jeunesse, dans ma vie tout simplement.

Connaissez-vous des familles qui ne savent pas communiquer, qui ne savent pas exprimer leur amour, si ce n’est qu’à travers les cris, les réflexions désobligeantes, les humiliations, l’incompréhension, l’absence d’écoute, l’absence d’encouragement…
L’impossibilité de communiquer au sein de sa propre famille fait des ravages psychologiques irréparables et qui marquent à jamais.
Ce qui est bien montré dans ce film c’est comment le déplacement d’un seul membre de la famille peut disloquer la fratrie et rompre le cercle familial.
Mais le départ d’un membre de la fratrie ne vient en aucun cas changer le fonctionnement toxique et étouffant de la dite famille.
D’ailleurs, cette famille, se pose-t-elle même la question « mais pourquoi il ou elle est parti (e)?
Quand vous revenez au « bercail » vous avez cette impression bizarre d’être à la fois dans le cercle et hors du cercle. Vous vous rendez compte que rien n’a changé, vous avez l’impression de revenir d’une autre planète. Vous êtes abasourdi, bouleversé, ému, malheureux, conscient que le temps passé n’a rien modifié, et que le temps ne se rattrape jamais.
A un moment donné, prendre la décision de vivre sa propre vie, de suivre son propre chemin, parce que vous ne parvenez pas à vous épanouir dans votre « clan », qui vous cloue au mur est à la fois salvateur mais extrêmement douloureux.
Nous avons tous besoin d’être compris par les siens, d’être reconnus par les siens, nous avons tous besoin d’être légitimes.
Et si on parvient à couper le cordon, à mener notre vie et retrouver une forme d’équilibre et de réussite, il faut savoir que la famille laissée derrière est restée la même, figée dans le même fonctionnement. Rien n’a changé, mais vous vous avez changé.
Ce qui est bien montré, filmé habilement et avec génie par Xavier Dolan, c’est que le fils qui revient, retrouve, les pièces d’échec, aux mêmes endroits, comme une partie qu’on a abandonnée ou remise à plus tard.
Ce film montre que l’absence, la fuite, réduisent votre souffrance, mais qu’elle demeure en vous, puisque malgré vous, vous continuez à penser que peut-être le temps, viendra restaurer ce manque de communication, que vous assimilez souvent à un manque d’amour.
Mais c’est faux, le retour en arrière, vous fait souvent constater que la poussière est toujours là, bien cachée sous le tapis. Et que les échanges tournent toujours autour des mêmes thèmes dans le film ce sont « les dimanches » dans d’autres familles ce sera « la tarte aux prunes de Mémère » Et vous repartez le coeur gros sur la pointe des pieds, sans avoir pu lâcher ce que vous aviez à dire, et qui vous tenez à coeur d’exprimer.

Ce que m’a dit ce film, c’est que les blessures familiales ne se guérissent jamais. L’éclatement d’une fratrie ne se répare jamais, que dans une famille non communicante qui s’agite, qui n’exprime son désarroi que par la violence, rien n’est réparable.
Ce film est pour moi, un très bon film, comme d’habitude la manière de filmer de Xavier Dolan nous coupe la respiration.

Certains disent qu’il y a des longueurs dans ce film, mais ces longueurs, ces silences sont obligatoires. Ils expriment le malaise, la difficulté à communiquer, la solitude de chacun…
Tout le monde est réuni mais chacun est seul.

Le talent des acteurs n’est plus à démontrer. Gaspard Ulliel, dans le rôle de Louis, le fils qui quitte la maison 12 ans plutôt, est magistral, la casquette vissée sur la tête, nous avons l’impression qu’il est encore le jeune homme qui est partie 12 ans plus tôt. Son regard de loup est rempli de larmes, de questionnement, de nostalgie…
C’est souvent sur celui qui part que, dans les familles, on fait porter la culpabilité du malaise.

Nathalie Baye, joue le rôle de la mère, qui veut absolument se persuader que tout va bien, surexcitée, bavarde, excentrique, perdue, face à ses enfants avec lesquels elle ne peut communiquer ensemble, comme si elle ne pouvait le faire qu’avec chacun d’entre eux, à tour de rôle.

 

Léa Seydoux, merveilleuse dans le rôle de la petite soeur qui retrouve son grand frère, son héros et qui ne comprend pas cet abandon et qui veut comprendre et n’a trouvé de solutions, de réponses qu’à travers la toxicomanie et la défonce.

 

 

Vincent Cassel, Antoine, encore plus violent et méchant, parce qu’il n’a pu trouvé, lui, le courage de partir, il n’a pas su jouer le rôle de l’aîné, de protéger, alors il en veut à tout le monde alors que c’est avec lui-même qu’il est en guerre.

Marion Cotillard, joue Catherine, la femme d’Antoine, très juste dans ce rôle, abasourdie, elle donne l’impression de ramasser de la vaisselle brisée au sol tout le long du film.
De son regard immense, profond, triste, elle a l’air de découvrir la réalité de la famille dont elle fait maintenant partie…

Ce film est, à mon sens, à voir si vous aimez Xavier Dolan, ce réalisateur est un génie, mais comme un artiste peintre, il ne doit pas vous présenter toujours les mêmes peintures sinon quel intérêt?
Tous les sujets abordés par Xavier Dolan sont chargés d’émotion et de douleur, tous sont intéressants, tous ont la même signature et ne peuvent laisser indifférents.
Gabriel Yared avait composé la bande originale de Tom à la ferme en 2012, mais lui et Xavier Dolan ne s’étaient jamais rencontrés pendant cette collaboration, travaillant chacun de part et d’autre de l’Atlantique.
Ils se sont finalement retrouvés à Los Angeles pour la post-production de Juste la fin du monde, où un studio de fortune a été installé, dans la maison de l’acteur/chanteur Robert Schwartzman. Cela donne une bande originale superbe.

Voilà, j’arrive au bout de mon post, espérant vous avoir intéressés par mon ressenti, même si vous avez peur de la déception, allez voir ce film, tout à fait singulier et qui vous marquera, j’en suis certaine.
Laissez-vous porter par l’émotion, par les images, les regards.

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Je vous laisse découvrir la Bande Annonce

Crédits photos: Allociné

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