Le soleil des Scorta

Pour m’accompagner lors de mon dernier voyage j’ai emporté dans mon sac en édition de poche un roman que j’avais déjà lu plus jeune mais que j’avais envie de redécouvrir…

Et cela a été une révélation, bien plus forte que la première fois, certainement parce que j’ai vieilli, j’ai appris, j’ai mûri…

Ce roman s’appelle « Le soleil des Scorta » de Laurent Gaudé. Ce roman a remporté le prix Goncourt en 2004.

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Divines mais pas seulement

Le film qui m’a tant bouleversée mardi dernier est toujours à l’affiche en ce moment, allez le voir. Ce film méritait que j’écrive un billet pour vous en dire quelque chose, mais quoique je puisse écrire, jamais mes mots seront à la hauteur du film.

Comment trouver les mots justes pour vous dire que Divines est pour moi le film magistral de l’année le film de la réalisatrice française Houda Benyamina, qui a remporté la Caméra d’Or au dernier festival de Cannes.

Après Bande de filles de Céline Sciamma en 2014, il s’agit du ­deuxième film français qui voit la cité du point de vue de jeunes femmes/ados. Il y a donc des similitudes, mais les deux films sont très différents.

Divines est beaucoup plus sombre, plus pessimiste et c’est pourquoi je suis sortie si bouleversée, ce film a remué beaucoup de choses en moi, sur mon parcours personnel et professionnel (puisque vous savez tous aujourd’hui que j’ai exercé pendant presque 30 ans le métier d’éducatrice auprès de jeunes délinquants filles et garçons.

Divines, n’est pas seulement un film, des images et des dialogues il s’agit d’une histoire, de la vraie vie de deux gamines qui ont eu le malheur de grandir dans une cité et dans des familles cabossées par la vie, par la misère et les galères à traverser en tous genres, et notamment le manque d’argent.

L’histoire:

Dounia vit dans une cité en bordure de l’A3 et passe ses journées avec son amie Maimouna.
Pour s’en sortir, elles volent des sodas au supermarché et les revendent à la récréation. Elles végètent en BEP « devenir hôtesse d’accueil»!
Leur rêves à elles, c’est de gagner de l’argent comme elles le chantent « money, money, money » beaucoup d’argent. Elles sont persuadées d’en trouver en travaillant pour Rebecca, une dealeuse respectée qui s’offre des «boy toys» et se fait conduire en décapotable.

Alors qu’elle « gravit les échelons dans la criminalité », Dounia rencontre Djigui, un jeune danseur, ce jeune homme va lui apporter la douceur et la féminité dont elle est dépourvue, il va lui révéler, au fil du temps, ce qu’elle est vraiment, et surtout la sensibilité, la féminité qu’elle a enfouies en elle si profondément pour se blinder contre la souffrance et la honte.

Mais, lorsque cette sensibilité, cette délicatesse, cette féminité se dévoilent enfin en elle, lorsqu’elle assume enfin cette attirance pour un homme Djigui (Kevin Mishel) plein de sensibilité, il est danseur dans un ballet contemporain, l’histoire ne peut se poursuivre, et se révèle impossible comme si l’accès au bonheur lui était interdit.

L’actrice principale est la petite sœur de la réalisatrice, Oulaya Amamra, 20 ans, y incarne Dounia, une jeune fille qui vit dans un camp de Roms (un véritable taudis) un lieu ou Dounia doit tout gérer car sa mère, femme/enfant, s’alcoolise et se prostitue en permanence. Dounia vit en marge d’une cité de la banlieue parisienne et elle est fermement décidée à changer le cours de sa vie, quitte à faire parler les poings.
Cette jeune actrice est absolument sublime dans ce rôle, elle crève l’écran, elle ne joue pas un rôle, elle est Dounia! Malgré tous les méfaits qu’elle commet, Dounia devient attachante, touchante, elle nous fait passer du rire au larmes. Elle semble perchée dans un monde imaginaire, où tout serait luxe et volupté, et qu’elle est persuadée d’atteindre.
Déborah Lukumuena, est sa meilleure amie, Maïmouna, son seul amour, la seule personne en qui elle a confiance, qu’elle aime au delà de tout, pour laquelle elle est prête à tout, celle qui donne encore du sens à sa vie.
Mamounia est issue d’un tout autre milieu, pauvre également mais sain, une famille stricte, sévère, qui garde sans arrêt un oeil sur vous, mais qui s’inquiète aussi pour vous, vous protège, essaie de vous montrer la voie à suivre, Mamounia a une famille, Dounia est une bâtarde, c’est ce qu’elle est pour tous ceux qui la connaisse dans la cité.
Cette amitié fusionnelle les aide l’une comme l’autre a échappé à leur quotidien, elles s’échappent ensemble par la pensée dans un monde meilleur, un monde où les femmes ne sont pas relayées au second plan.

La drogue, la pauvreté et la relégation sont omniprésentes dans ce film. Mais ici, nul misérabilisme ou discours social pesant.
On sent que le film se nourrit d’un long travail dans les quartiers, je me suis sentie « de retour dans ma vie professionnelle quand j’allais à domicile faire mes visites et que je constatais les conditions de vie de tous ces jeunes suivis par la Justice des Mineurs.

Ce film est émouvant parce qu’il parle de survie, du quotidien des pauvres qui vivent dans les cités, de la délinquance qui s’y développe, il parle aussi de la condition féminine, cette génération qui grandit en ce moment et qui refuse la domination masculine qui n’a que trop durée. Est-ce que nous nous permettons de porter un regard ou poser un véto concernant l’habillement des hommes dans la rue?

La jeune Dounia se moque pas mal de l’école, elle la quitte avec fracas, tournant la dos à un BEP dont elle n’a que faire, pour se faire dealeuse en espérant faire fortune et donc quitter ce monde dont elle connaît tous les recoins. Mais chaque fois que le film laisse croire que tout va bien pour Dounia et Maïmouna, un événement ruine leurs minces espoirs…

Elles sont toutes les deux un tourbillon, on passe à pleine vitesse du comique au tragique, de la chronique sociale au polar haute tension. La réalisatrice récupère et brasse tous les clichés qui traînent au pied des cités pour en faire quelque chose d’étonnamment neuf, rien de tel n’avait été filmé avant. Rien que dans leur apparence, les inséparables Dounia et Maimounia, perpétuellement en maraude dans leur quartier désolé, se distinguent du lot commun….Et pourtant ces deux gamines moi je les ai croisées tant de fois dans les cités toulonnaises, des gamines qui délinquent, qui rêvent, qui outrepassent les règles de la bonne société, qui se font remarquer et auxquelles on s’attache malgré tout. (je vous l’avoue la première des règles que doit suivre un éducateur est « je ne dois pas m’attacher, je dois prendre la bonne distance, je n’y suis jamais arrivée, toujours à tenter de leur montrer le chemin et le bout du tunnel, sacrément long le tunnel!)
Dounia dissimule sa beauté sous d’informes blousons masculins, elle est aussi menue, tendue et énervée que la seconde est grande, costaude, douce et enveloppante.
Le film prend le temps de nous faire vivre et goûter leur amitié à la vie à la mort, comme on n’en expérimente qu’à l’adolescence, (rappelez-vous de votre meilleure copine avec laquelle vous étiez collée du matin au soir, n’avez-vous jamais fait les 400 coups?….)
Elles sont soudées contre le reste du monde, elles jouent les affranchies dans un milieu bien plus dur qu’elles, et que, naïvement elles sont certaines de conquérir. Leur innocence se déguise en audace. Une audace qui va les perdre.

La « féminité » dans cette histoire en miroir, est tenu par un garçon, Djigui, passionné de danse, dont Dounia vient contempler les répétitions en cachette. Cette histoire d’amour, non déclarée, naissante, pudique suggère une autre issue à la tyrannie de l’argent, une sortie de secours par l’art.
Ce pourrait être naïf, mais ces scènes-là, magistralement chorégraphiées, expriment avec force le désir, le rêve et l’apprivoisement, la découverte de l’amour, la découverte de la beauté par l’art. Ces scènes de danse m’ont littéralement transportée, bouleversée et la bande son est également sublime.

Divines amène une vision ni positive ni négative, de ce qui se passe en banlieue, juste un tableau très fidèle de ce que vivent les filles aujourd’hui.Il n’y a qu’à voir en ce moment toute la polémique qui se construit autour du port du short par une femme. En 2016, les filles se posent tous les matins la question de savoir ce qu’elles peuvent porter pour sortir sans se faire agresser ou « traiter » comme on dit dans le jargon « délinquant ».

Dans ce film, il y a une scène à laquelle il faut prêter attention car elle révèle la métamorphose de Dounia, elle quitte son costume de bâtarde pour revêtir l’habit de la princesse Dounia, au moment même où son prince charmant de danseur lui demande son prénom en la faisant tournoyer dans ses bras jusqu’à ce qu’elle parvienne à livrer, enfin, son nom Dounia (aurait-elle enfin trouvé une identité?)

Désormais, elle en voudra toujours plus, pour se prouver à elle-même et aux autres qu’elle vaut mieux que d’être surnommée « la bâtarde ». Qu’elle vaut mieux qu’être à la botte d’une dealeuse.
Certes, Dounia prend conscience, mais à quel prix, au prix de quelle souffrance? Comment sort-on indemne d’une telle vie de souffrance, de deuils à faire, de douleurs et comment sort-on de la délinquance quand on ne parvient pas à s’extraire d’un milieu qui vous aspire, qui vous engloutit!_

Je vous invite nombreuses, nombreux à venir à la rencontre de notre jeunesse elle est rebelle mais elle est fragile et je pense même que nous avons tous notre responsabilité dans cette dérive de notre jeunesse.
nLes parents en premier lieu qui, à mon sens, doivent donner l’exemple, expliquer à leurs enfants que le chemin vers la liberté est long mais qu’il mérite qu’on fasse des efforts, qu’on apprend pas à être autonome avec une baguette magique ou un martinet, que pour être libre il faut avant tout acquérir le savoir, la connaissance pour garder son libre arbitre, pour aller plus loin, pour échapper à une vie dont on ne veut pas. Et pour cela il faut de la patience, du courage, de la ténacité. Savoir ce que l’on ne veut pas est déjà un grand pas en avant pour acquérir ce que l’on souhaite.

Ce billet est très long et sûrement certains d’entre vous abandonneront la lecture en cours de route, je le comprends, mais ce qui était important aussi pour moi était de rendre hommage à une réalisatrice talentueuse et deux actrices qui m’ont vraiment épatée par leur naturel et leur authenticité!

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Crédits photos Allociné

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