Un légume qui nous a fait tous pleurer

Quel drôle de titre me direz-vous? Je suis certaine que vous pensez à la difficulté que j’ai à réaliser la soupe à l’oignon, ou aux mille astuces à trouver pour ne pas pleurer en épluchant ce foutu légume…et bien pas du tout je voudrais vous parler en quelques mots, car le billet sera très court de l’émotion que m’a procurée une certaine Courgette, et je pense qu’elle en a ému plus d’une et plus d’un!

Vous me connaissez maintenant assez bien pour savoir que le monde de l’enfance est un sujet cher à mon coeur.

Le parcours d’un enfant n’est pas le même pour tous. Ce chemin pour certains est loin d’être semé de fleurs, certains enfants sont malheureux, maltraités, abandonnés, impuissants face à la folie de leurs parents, leur manque de réflexion, leur irresponsablilité. Et ces enfants là j’en ai croisé des tas durant ma vie professionnelle consacrée à ce domaine, et je l’ai traversé cette enfance là où on a qu’une envie grandir, grandir, apprendre et encore apprendre pour pouvoir se sauver et être libre.
nL’éducation d’un enfant ne consiste pas seulement à le nourrir mais surtout à l’aimer et à lui apprendre à devenir fort et combattif pour avancer sur ce chemin caillouteux de la vie. Dans les pouponnières on a fait des expériences très parlantes, les bébés qui ne sont jamais pris aux bras et alimentés par des machines ne grossissent pas et meurent alors que ceux qui sont nourris en étant pris aux bras et cajolés se portent à merveille.

 

Pour grandir et devenir adulte il faut de l’amour, ingrédient indispensable pour devenir un adulte stable, équilibré et qui n’a pas peur de prendre des décisions par lui même.

L’amour et la bienveillance des parents sont des ingrédients indispensables pour trouver à l’âge adulte l’audace d’entreprendre, l’amour des autres mais surtout l’amour de soi-même, l’estime de soi même. Voilà quel doit être le principal objectif des parents!

Tout ce long préambule pour vous dire que je suis allée au cinéma voir Ma vie de Courgette, un film d’animation absolument splendide.
J’ai toujours été une grande fan et je le suis encore des films d’animation (souvenez-vous de Chickenrun) ou de dessins animés au hasard Mulan (à mon âge je sais !!!!)

Ce nouveau film d’animation de Claude Barras est un film d’une émotion rare et qui retranscrit à la perfection sans fioriture, sans pitié les ravages émotionnels que font l’abandon et ou le désintérêt des parents sur leurs enfants.

Il faut savoir que dans la tête d’un enfant maltraité ou abandonné la petite graine de la « culpabilité » va germer et grandir grandir jusqu’à faire de lui ou d’elle un enfant enchaîné, impuissant à mener sa vie, un adulte qui se sentira coupable et victime toute sa vie.
Les enfants pensent toujours que si les parents boivent de l’alcool, ou consomment de la drogue, ou se disputent, c’est forcément de leur faute. Rien de ce qui se passe ne leur est expliqué. Les sujets graves ne sont jamais expliqués aux enfants alors qu’ils doivent savoir pour ne pas se sentir coupables.
Des sujets comme la maladie, la mort, les situations financières précaires, on ne doit pas tenir informer les enfants des problèmes pour les protéger? J’ai toujours été contre cette théorie absurde.
Un enfant ne peut combattre un mal dont il ne connait pas l’origine. L’enfant a confiance naturellement en l’adulte et un adulte qui ment ne peut plus obtenir la confiance de l’enfant comme d’un autre adulte d’ailleurs. Mais c’est ma conviction de mère et d’éducatrice qui parle!

L’histoire:

Courgette n’a rien d’un légume, c’est un vaillant petit garçon. Il croit qu’il est seul au monde quand il perd sa mère. Mais c’est sans compter sur les rencontres qu’il va faire dans sa nouvelle vie au foyer pour enfants. Simon, Ahmed, Jujube, Alice et Béatrice : ils ont tous leurs histoires et elles sont aussi dures qu’ils sont tendres. Et puis il y a cette fille, Camille. Quand on a 10 ans, avoir une bande de copains, tomber amoureux, il y en a des choses à découvrir et à apprendre. Et pourquoi pas même, être heureux.

A travers cette histoire, visible par tous les enfants à partir de 6ans, tout ce qui se joue dans la tête de l’enfant est dit sans être dit avec des mots.
Tout ce qui se passe dans un foyer d’accueil est parfaitement décrit, le petit caïd qui joue les gros bras et qui souffre encore plus que les autres, l’enfant qui n’a toujours pas compris pourquoi il est là, l’enfant qui se cache derrière sa mèche de cheveux espérant ainsi ne plus être vu….tant d’enfants avec des problématiques et des malheurs différents et qui deviennent solidaires et qui apprennent à se soutenir.

Claude Barras pétrit le malheur pour lui donner la forme, éclatante et joyeuse, de l’espoir. Et c’est bouleversant, à n’importe quel âge.

 

Cette pépite de soixante-dix minutes aborde des sujets graves, le deuil, l’abandon, la misère sociale, mais aussi et surtout la lutte pour le bonheur, incarnés par de bouleversantes marionnettes.

Ce film, réaliste et positif, à ne pas rater, est un modèle de ce qu’est la résilience, tant expliquée par Boris Cyrulnik, allez lire le lien il est très intéressant, la renaissance d’un enfant après une tragédie familiale (nous pensons également à l’histoire de Anny Duperey dans son livre Le Voile Noir. Une leçon de résilience qui s’appuie sur la force de l’amitié, de l’amour et de la bienveillance.

 

Vous sortirez de la salle de cinéma à la fois ému, bouleversé, mais aussi confiant et encore plus désireux d’aider vos enfants à grandir.

Je vous souhaite une très belle séance…

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Crédits photos: Allociné

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Divines mais pas seulement

Le film qui m’a tant bouleversée mardi dernier est toujours à l’affiche en ce moment, allez le voir. Ce film méritait que j’écrive un billet pour vous en dire quelque chose, mais quoique je puisse écrire, jamais mes mots seront à la hauteur du film.

Comment trouver les mots justes pour vous dire que Divines est pour moi le film magistral de l’année le film de la réalisatrice française Houda Benyamina, qui a remporté la Caméra d’Or au dernier festival de Cannes.

Après Bande de filles de Céline Sciamma en 2014, il s’agit du ­deuxième film français qui voit la cité du point de vue de jeunes femmes/ados. Il y a donc des similitudes, mais les deux films sont très différents.

Divines est beaucoup plus sombre, plus pessimiste et c’est pourquoi je suis sortie si bouleversée, ce film a remué beaucoup de choses en moi, sur mon parcours personnel et professionnel (puisque vous savez tous aujourd’hui que j’ai exercé pendant presque 30 ans le métier d’éducatrice auprès de jeunes délinquants filles et garçons.

Divines, n’est pas seulement un film, des images et des dialogues il s’agit d’une histoire, de la vraie vie de deux gamines qui ont eu le malheur de grandir dans une cité et dans des familles cabossées par la vie, par la misère et les galères à traverser en tous genres, et notamment le manque d’argent.

L’histoire:

Dounia vit dans une cité en bordure de l’A3 et passe ses journées avec son amie Maimouna.
Pour s’en sortir, elles volent des sodas au supermarché et les revendent à la récréation. Elles végètent en BEP « devenir hôtesse d’accueil»!
Leur rêves à elles, c’est de gagner de l’argent comme elles le chantent « money, money, money » beaucoup d’argent. Elles sont persuadées d’en trouver en travaillant pour Rebecca, une dealeuse respectée qui s’offre des «boy toys» et se fait conduire en décapotable.

Alors qu’elle « gravit les échelons dans la criminalité », Dounia rencontre Djigui, un jeune danseur, ce jeune homme va lui apporter la douceur et la féminité dont elle est dépourvue, il va lui révéler, au fil du temps, ce qu’elle est vraiment, et surtout la sensibilité, la féminité qu’elle a enfouies en elle si profondément pour se blinder contre la souffrance et la honte.

Mais, lorsque cette sensibilité, cette délicatesse, cette féminité se dévoilent enfin en elle, lorsqu’elle assume enfin cette attirance pour un homme Djigui (Kevin Mishel) plein de sensibilité, il est danseur dans un ballet contemporain, l’histoire ne peut se poursuivre, et se révèle impossible comme si l’accès au bonheur lui était interdit.

L’actrice principale est la petite sœur de la réalisatrice, Oulaya Amamra, 20 ans, y incarne Dounia, une jeune fille qui vit dans un camp de Roms (un véritable taudis) un lieu ou Dounia doit tout gérer car sa mère, femme/enfant, s’alcoolise et se prostitue en permanence. Dounia vit en marge d’une cité de la banlieue parisienne et elle est fermement décidée à changer le cours de sa vie, quitte à faire parler les poings.
Cette jeune actrice est absolument sublime dans ce rôle, elle crève l’écran, elle ne joue pas un rôle, elle est Dounia! Malgré tous les méfaits qu’elle commet, Dounia devient attachante, touchante, elle nous fait passer du rire au larmes. Elle semble perchée dans un monde imaginaire, où tout serait luxe et volupté, et qu’elle est persuadée d’atteindre.
Déborah Lukumuena, est sa meilleure amie, Maïmouna, son seul amour, la seule personne en qui elle a confiance, qu’elle aime au delà de tout, pour laquelle elle est prête à tout, celle qui donne encore du sens à sa vie.
Mamounia est issue d’un tout autre milieu, pauvre également mais sain, une famille stricte, sévère, qui garde sans arrêt un oeil sur vous, mais qui s’inquiète aussi pour vous, vous protège, essaie de vous montrer la voie à suivre, Mamounia a une famille, Dounia est une bâtarde, c’est ce qu’elle est pour tous ceux qui la connaisse dans la cité.
Cette amitié fusionnelle les aide l’une comme l’autre a échappé à leur quotidien, elles s’échappent ensemble par la pensée dans un monde meilleur, un monde où les femmes ne sont pas relayées au second plan.

La drogue, la pauvreté et la relégation sont omniprésentes dans ce film. Mais ici, nul misérabilisme ou discours social pesant.
On sent que le film se nourrit d’un long travail dans les quartiers, je me suis sentie « de retour dans ma vie professionnelle quand j’allais à domicile faire mes visites et que je constatais les conditions de vie de tous ces jeunes suivis par la Justice des Mineurs.

Ce film est émouvant parce qu’il parle de survie, du quotidien des pauvres qui vivent dans les cités, de la délinquance qui s’y développe, il parle aussi de la condition féminine, cette génération qui grandit en ce moment et qui refuse la domination masculine qui n’a que trop durée. Est-ce que nous nous permettons de porter un regard ou poser un véto concernant l’habillement des hommes dans la rue?

La jeune Dounia se moque pas mal de l’école, elle la quitte avec fracas, tournant la dos à un BEP dont elle n’a que faire, pour se faire dealeuse en espérant faire fortune et donc quitter ce monde dont elle connaît tous les recoins. Mais chaque fois que le film laisse croire que tout va bien pour Dounia et Maïmouna, un événement ruine leurs minces espoirs…

Elles sont toutes les deux un tourbillon, on passe à pleine vitesse du comique au tragique, de la chronique sociale au polar haute tension. La réalisatrice récupère et brasse tous les clichés qui traînent au pied des cités pour en faire quelque chose d’étonnamment neuf, rien de tel n’avait été filmé avant. Rien que dans leur apparence, les inséparables Dounia et Maimounia, perpétuellement en maraude dans leur quartier désolé, se distinguent du lot commun….Et pourtant ces deux gamines moi je les ai croisées tant de fois dans les cités toulonnaises, des gamines qui délinquent, qui rêvent, qui outrepassent les règles de la bonne société, qui se font remarquer et auxquelles on s’attache malgré tout. (je vous l’avoue la première des règles que doit suivre un éducateur est « je ne dois pas m’attacher, je dois prendre la bonne distance, je n’y suis jamais arrivée, toujours à tenter de leur montrer le chemin et le bout du tunnel, sacrément long le tunnel!)
Dounia dissimule sa beauté sous d’informes blousons masculins, elle est aussi menue, tendue et énervée que la seconde est grande, costaude, douce et enveloppante.
Le film prend le temps de nous faire vivre et goûter leur amitié à la vie à la mort, comme on n’en expérimente qu’à l’adolescence, (rappelez-vous de votre meilleure copine avec laquelle vous étiez collée du matin au soir, n’avez-vous jamais fait les 400 coups?….)
Elles sont soudées contre le reste du monde, elles jouent les affranchies dans un milieu bien plus dur qu’elles, et que, naïvement elles sont certaines de conquérir. Leur innocence se déguise en audace. Une audace qui va les perdre.

La « féminité » dans cette histoire en miroir, est tenu par un garçon, Djigui, passionné de danse, dont Dounia vient contempler les répétitions en cachette. Cette histoire d’amour, non déclarée, naissante, pudique suggère une autre issue à la tyrannie de l’argent, une sortie de secours par l’art.
Ce pourrait être naïf, mais ces scènes-là, magistralement chorégraphiées, expriment avec force le désir, le rêve et l’apprivoisement, la découverte de l’amour, la découverte de la beauté par l’art. Ces scènes de danse m’ont littéralement transportée, bouleversée et la bande son est également sublime.

Divines amène une vision ni positive ni négative, de ce qui se passe en banlieue, juste un tableau très fidèle de ce que vivent les filles aujourd’hui.Il n’y a qu’à voir en ce moment toute la polémique qui se construit autour du port du short par une femme. En 2016, les filles se posent tous les matins la question de savoir ce qu’elles peuvent porter pour sortir sans se faire agresser ou « traiter » comme on dit dans le jargon « délinquant ».

Dans ce film, il y a une scène à laquelle il faut prêter attention car elle révèle la métamorphose de Dounia, elle quitte son costume de bâtarde pour revêtir l’habit de la princesse Dounia, au moment même où son prince charmant de danseur lui demande son prénom en la faisant tournoyer dans ses bras jusqu’à ce qu’elle parvienne à livrer, enfin, son nom Dounia (aurait-elle enfin trouvé une identité?)

Désormais, elle en voudra toujours plus, pour se prouver à elle-même et aux autres qu’elle vaut mieux que d’être surnommée « la bâtarde ». Qu’elle vaut mieux qu’être à la botte d’une dealeuse.
Certes, Dounia prend conscience, mais à quel prix, au prix de quelle souffrance? Comment sort-on indemne d’une telle vie de souffrance, de deuils à faire, de douleurs et comment sort-on de la délinquance quand on ne parvient pas à s’extraire d’un milieu qui vous aspire, qui vous engloutit!_

Je vous invite nombreuses, nombreux à venir à la rencontre de notre jeunesse elle est rebelle mais elle est fragile et je pense même que nous avons tous notre responsabilité dans cette dérive de notre jeunesse.
nLes parents en premier lieu qui, à mon sens, doivent donner l’exemple, expliquer à leurs enfants que le chemin vers la liberté est long mais qu’il mérite qu’on fasse des efforts, qu’on apprend pas à être autonome avec une baguette magique ou un martinet, que pour être libre il faut avant tout acquérir le savoir, la connaissance pour garder son libre arbitre, pour aller plus loin, pour échapper à une vie dont on ne veut pas. Et pour cela il faut de la patience, du courage, de la ténacité. Savoir ce que l’on ne veut pas est déjà un grand pas en avant pour acquérir ce que l’on souhaite.

Ce billet est très long et sûrement certains d’entre vous abandonneront la lecture en cours de route, je le comprends, mais ce qui était important aussi pour moi était de rendre hommage à une réalisatrice talentueuse et deux actrices qui m’ont vraiment épatée par leur naturel et leur authenticité!

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Crédits photos Allociné

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